Après 13 ans, la Cour de Cassation a confirmé l'indemnisation des victimes et engagé la responsabilité personnelle des dirigeants de France Télécom dans le contexte de suicides liés à un management qualifié de « terreur ».
Une vague de suicides survenue chez France Télécom entre 2007 et 2010 avait bouleversé l'opinion, mettant en lumière les conséquences dramatiques d'une politique managériale brutale et généralisée. Treize ans plus tard, la Cour de cassation vient de clore définitivement le dossier en confirmant l'indemnisation accordée aux victimes.
Au-delà des 45 000 euros d'indemnisation accordés à chacune des 43 victimes reconnues, cette décision fait date car elle engage la responsabilité personnelle des dirigeants lorsque des méthodes relevant d'un « management par la terreur » sont généralisées. Le harcèlement managérial, généralement l'œuvre d'un individu sur une ou plusieurs autres personnes déterminées, se caractérise par une dégradation des conditions de travail du salarié victime. Dans l'affaire France Télécom, les magistrats sont montés jusqu'au sommet de la hiérarchie de l'entreprise pour mettre en cause sa gouvernance, révélant l'existence d'une ambiance de travail suffisamment dégradée pour faire pression sur les collaborateurs à tous les niveaux, afin de les inciter à quitter leur poste volontairement et éviter le paiement d'indemnités de rupture de contrat. Pour la Cour de cassation, l'infraction de harcèlement moral n'exige plus forcément que « les agissements répétés », qui caractérisent le harcèlement moral, s'exercent à l'égard d'une victime déterminée ou identifiée.La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par l'ex-PDG de France Télécom et de son numéro deux, confirmant ainsi les décisions des juges du fond. Les éléments constitutifs de l'infraction sont les suivants : l'élément légal est le délit de harcèlement moral, caractérisé ici par une politique d'entreprise décidée au sommet de l'entreprise et mise en œuvre par les managers. L'élément intentionnel tient dans le fait que les prévenus n'ont pu ignorer les conséquences négatives des pressions exercées sur les agents et leurs conséquences sur leurs conditions de travail, et donc leur santé. L'élément matériel se caractérise par la pression exercée sur le contrôle des départs, le suivi des effectifs à tous les niveaux de la chaîne hiérarchique, la prise en compte du nombre de départs pour la rémunération des dirigeants et le conditionnement des cadres intermédiaires à la déflation des effectifs, lors des formations qui ont pu leur être dispensées. Les dirigeants de France Télécom ont été condamnés personnellement. Sur quels éléments concrets la justice s'est-elle appuyée pour établir leur responsabilité dans cette affaire ? Les enquêtes diligentées lors de l'instruction ont démontré que les prévenus « avaient connaissance des effets négatifs du maintien de la méthode adoptée sur la santé des agents du groupe et sur leurs conditions de travail ». Or, en matière pénale, la responsabilité est personnelle. Il était difficile, dans ces conditions, de trouver des boucs émissaires. La justice a reconnu la souffrance des salariés, mais aussi celle de leurs familles. Comment cela s'est-il traduit dans les indemnisations accordées ? Les parties civiles reconnues victimes – 43 personnes – se voient allouer des dommages et intérêts au titre de leur préjudice moral, qui s'élève au maximum à 45 000 euros par personne, plus une indemnisation de leurs frais de justice. Les syndicats plaignants ont également obtenu des dommages et intérêts pour préjudice moral de 30 000 euros. Ces condamnations civiles s'ajoutent aux condamnations pénales prononcées en appel contre les anciens dirigeants : un an de prison avec sursis (contre un an dont quatre mois ferme en première instance) et 15 000 euros d'amende pour Didier Lombard ; un an de prison avec sursis (contre un an dont quatre mois ferme en première instance) et 15 000 euros d'amende pour Louis-Pierre Wenès
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