Un tiers des femmes ont vécu un accouchement traumatisant et c'est un sujet féministe dont nous devons nous saisir !
Sur le papier, mon accouchement s’est bien passé. Ma fille est née par voie basse en pleine santé, je n’ai pas eu de déchirure ni fait d’hémorragie et j’ai eu moins mal que lors de ma dernière rage de dents. Pourtant, plus d’un an après, je continue à repenser à mon accouchement presque tous les jours, et pas uniquement comme un moment merveilleux.
Le sujet est resté dans un coin de ma tête jusqu’à ce que je tombe sur un chiffre qui m’a interpellé : un tiers des femmes décrivent leur accouchement comme une expérience traumatisante. UNE FEMME SUR TROIS. Désolée de hurler en Caps lock, mais cette info me fait halluciner.
Comme me l’explique la docteure en psychologie, il faut décorréler le subjectif de l’objectif dans le cadre d’un accouchement et arrêter de faire des comparaisons, comme je le faisais jusqu’ici en me disant que je n’avais pas le droit de me plaindre parce que « ça aurait pu être bien pire ». Malheureusement, ces violences obstétricales sont loin d’être des cas isolés. Elles sont même plutôt la norme dans le cas d’accouchement à l’hôpital ou en clinique , d’après Marie-Hélène Lahaye, juriste de formation et autrice du livre Accouchement : les femmes méritent mieux.
« Comment avez-vous vécu votre accouchement ? » D’ailleurs, on demande rarement aux femmes avant la sortie de la maternité comment elles ont vécu leur accouchement. Pourtant, poser cette simple question pourrait changer beaucoup de choses selon la docteure Margaux Chabbert : sur une échelle de 0 à 10, comment avez-vous vécu votre accouchement ?
Les symptômes envahissants du stress post-traumatique La psychothérapeute spécialisée en périnatalité, Mathilde Bouychou, m’explique que les femmes qui ont vécu des violences obstétricales, comme Alison Passieux, mettent parfois du temps à prendre conscience que ce qu’elles ont vécu n’est pas normal.
Urgence vitale, douleur et perte de contrôle Le contexte anxiogène de la période Covid joue évidemment sur le vécu des femmes qui accouchent, mais il existe d’autres facteurs. D’abord, il y a le déroulé de l’accouchement et les éventuelles complications médicales et urgences vitales qui entrent en ligne de compte comme on l’a vu.
Manque d’informations et faible soutien médical Le manque d’informations en amont, ou l’absence d’explications pendant l’accouchement font que les femmes ne se sentent pas actrices de ce qui est en train de se passer.
« Ça impacte évidemment leur qualité de vie, mais aussi leurs pratiques professionnelles. Il y a une étude qui montre que ces soignants étaient plus prompts à intervenir et à avoir beaucoup plus peur des accouchements physiologiques. » Pour la doula et accompagnante périnatale, Kristelle Cardeur, qui anime l’excellent compte Instagram @karma.mamas, la préparation est au contraire cruciale et elle a une belle analogie pour l’expliquer.
Les conséquences d’un accouchement difficile pour les mères Ce n’est pas seulement pour protéger les femmes d’une déception qu’il faut se saisir du sujet, mais parce que les accouchements mal vécus, et a fortiori les accouchements traumatiques, peuvent avoir des conséquences importantes pour les femmes, les bébés et les partenaires.
Les conséquences d’un accouchement difficile pour les bébés Tout ceci a bien évidemment des conséquences sur la relation qui se noue entre la mère et son bébé qui vient de naître, comme l’a observé Margaux Chabbert dans le cadre de ses recherches. J’ai eu aussi plusieurs cas de père dans mon échantillon qui déclaraient avoir mal vécu l’accouchement, mais on ne sait pas encore si ça entraîne un état de stress post-traumatique chez eux. Il n’y a pas d’étude sur le sujet. »
« Souvent, après un accouchement difficile, on essaye de “consoler” la mère en lui disant : « oui, mais regarde ton bébé est là, il va bien, c’est le plus important ». C’est dur à entendre pour les mères et c’est une façon de les faire taire. Il faut leur laisser de l’espace pour qu’elles puissent raconter ce qu’elles ont vécu.
Je ne suis pas contre la péridurale quand elle est faite pour les femmes, à leur demande. Mais si c’est imposé par les maternités, c’est un moyen pour que les femmes soient couchées, tranquilles, qu’elles ne disent rien et se laissent faire. Ça les prive d’accéder à ce sentiment de puissance. » Comment réagir après un accouchement traumatisant ? Toutes m’ont dit qu’il ne fallait pas avoir honte ou peur d’en parler pour se libérer. Pour la sage-femme Anna Roy, il ne faut pas hésiter à en discuter avec le ou la professionnelle de santé qui nous suit après l’accouchement.