L'impact culturel de la série Twin Peaks, créée par David Lynch et Mark Frost, et son influence sur la télévision et le cinéma sont indéniables. Du mystère du meurtre de Laura Palmer à l'univers onirique de Twin Peaks, l'article explore l'héritage de cette série révolutionnaire.
Diane, 11:30, le 24 février. J'entre dans la ville de Twin Peaks . Il faut attendre la 35e minute du premier épisode de la série de Mark Frost et David Lynch pour qu'apparaisse l'agent du FBI Dale Cooper, personnage emblématique joué par Kyle Maclachlan. Dictaphone à la main, il s'émerveille sur la nature environnante, tout en fixant la route surplombée au loin par les montagnes.
On pénètre avec lui dans un bout d'Americana, une bourgade typique peuplée d'amateurs de tartes à la cerise et de figures énigmatiques. Avec, pour seule question : qui a tué Laura Palmer, la reine de beauté du lycée ? Une ville à part Il y a 35 ans, plus précisément le 8 avril 1990 à 21 h, les Américains découvraient sur leur petit écran analogique l'une des œuvres les plus déterminantes de l'histoire de la télévision. À l'époque, son co-créateur, David Lynch, est déjà un génie d'inventivité et de vision : à son actif, des films culte tels qu'Eraserhead, Elephant Man ou Blue Velvet. Si la télévision est alors vue comme le parent pauvre du cinéma, le réalisateur et son acolyte, le scénariste Mark Frost, ont conscience des possibilités du médium. Ils pitchent à NBC une série baptisée The Lemurians se déroulant dans un continent perdu et enfoui au fond de l'océan Pacifique. Au programme : des détectives traquant les extraterrestres et des poèmes. Sans surprise, le projet est trop singulier pour séduire. Surgit alors l'idée d'une fiction bien plus traditionnelle, centrée autour du meurtre d'une adolescente blonde, Laura Palmer, dont le corps est retrouvé emballé dans du plastique. Dans sa ville natale, Twin Peaks, tout le monde a un secret et un mobile : le petit copain aux allures de James Dean, le psychiatre aux chemises hawaïennes, le magnat hôtelier, etc. La série aurait pu tout aussi bien s'intituler « Les hommes qui n'aimaient pas les femmes ». Une influence déterminante Avec une telle intrigue, Twin Peaks devient un véritable phénomène culturel. David Lynch et Mark Frost embrassent les codes de la télévision avec amour et ambition. Ils mélangent les genres, du soap à la comédie, avec un humour et un goût pour l'absurde. Au milieu de productions impersonnelles, ils assument une esthétique à part, alliant une intrigue claire à des pas de côté intentionnellement opaques. Les obsessions de Lynch - les doubles, le rêve américain, le fantôme de Marilyn Monroe - s'allient à la maîtrise formelle de Frost. Malgré sa présence éphémère dans le paysage, seulement deux saisons, la série marque le jeune public, dont des showrunners en devenir, par sa puissance cinématographique. Son influence se ressent par la suite dans les envolées oniriques des Soprano, dans les cauchemars de X-Files, dans les références de Buffy contre les vampires ou dans la multitude de mystères qui traversent Lost : les disparus. Même des teen shows comme Veronica Mars ou Pretty Little Liars se placent, à des degrés moindres, en filiation par leur recours au whodunnit (genre basé sur la résolution d'une énigme, le plus souvent d'un crime). Le génie n'a pas d'âge C'est le talent des visionnaires : savoir saisir, voire précéder, l'air du temps. Quand Twin Peaks revient en 2017 pour une troisième saison, beaucoup s'interrogent : David Lynch est-il capable de se réinventer dans un paysage où sa patte invisible est omniprésente ? À 71 ans, le cinéaste surprend pourtant par une fraîcheur dont beaucoup de jeunes artistes sont dépourvus. On ressent à chaque minute son âme d'enfant, son idéalisme, sa quête perpétuelle de renouveau. The Return offre une expérience de visionnage comme aucune autre, tout en faisant honneur aux personnages emblématiques des premières saisons, comme la femme à la bûche ou Laura Palmer. David Lynch, grand rêveur et optimiste, aura cru jusqu'au bout au pouvoir infini de l'art. Il nous laisse orphelins, avec pour seul réconfort d'avoir été ses contemporains
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