En janvier 1974, Daniel Rigolet, un marin qui a été marqué par le naufrage du cargo Maori en 1971, met au défi les éléments en prouvant l'efficacité de sa combinaison de survie face au terrible Raz Blanchard.
Un vent sec et froid soufflant par violentes rafales. Une mer très agitée avec des creux de plus de trois mètres ». C’est ainsi qu’envoyé en grand reportage à Goury ce matin du 24 janvier 1974, le journaliste de La Presse de la Manche décrit les conditions météo et l’état de la mer au large du cap de la Hague. Le 9 novembre 1971, le cargo français Maori coule dans le golfe de Gascogne.
38 morts, un seul survivant qui a eu l'instinct d'enfiler une combinaison de plongée qui lui a permis de tenir en attendant l'arrivée des secours. Marqué par ce drame, Daniel Rigolet, marin au long cours, met au point une combinaison de survie étanche qui s’enfile par-dessus les vêtements, et qui permet de flotter sur le dos grâce à une poche d’air gonflable sur le ventre et une poche d’air située derrière la nuque.Un temps à ne mettre personne dehors, pas même un journaliste. Et pourtant, ils sont une dizaine ce jour-là à braver la tempête pour ce qui doit certainement être le scoop de l’année. Tiens le voilà justement qui s’avance le scoop de l’année, engoncé dans sa grosse combinaison en néoprène : Daniel Rigolet, directeur de l’école de pêche de Cherbourg. Un coup d’œil à l’état de la mer : même pas peur ! Au contraire, « ce sont des conditions idéales » déclare-t-il aux journalistes, avant de sortir du petit port de Goury à bord du canot de sauvetage de la SNSM locale, le bien-nommé Raz-Blanchard.Car le raz Blanchard, ce terrible courant qui gronde au bord du cap de la Hague, c’est justement dans sa direction que se dirige Daniel Rigolet. Est-il complètement fou ? Non, il est complètement résolu. Résolu à prouver que sa combinaison de survie permet de sauver les hommes tombés à la mer, en pouvant survivre plusieurs heures dans l’eau froide. « Car l’ennemi du naufragé », déclare-t-il à qui veut l’entendre, « c’est l’hypothermie. A 37°C, un homme est en possession intellectuelle et physique de ses moyens. A 35°C, il est déjà paralysé ». A Goury, sur le seuil de la station de sauvetage (on voit les rails du canot), Daniel Rigolet enlève sa combi. Quelques jours auparavant, il avait déjà testé sa combi en passant 24 heures dans les eaux (7 degrés) de la petite rade de Cherbourg. Mais quelques mauvais esprits avaient fait la fine bouche en estimant que l’expérience, réalisée « à l’abri » , ne prouvait pas grand-chose.C’est donc pour clouer le bec à ses détracteurs que Rigolet s’est décidé à affronter le raz Blanchard. Il ne va pas être déçu du voyage. Une fois largué en plein milieu du courant, Rigolet se retrouve dans la lessiveuse. « Des vents de 100 km/h, des déferlantes insensées, et moi qui bouchonnes là-dessus » racontera-t-il plus tard. Aux journalistes qui lui demandent comment ça s’est passé, il répond goguenard : « je suis sûr que j’ai moins souffert que vous ». Car plus d’un reporter embarqué sur le Raz-Blanchard pendant des heures pour suivre le héros du jour, a le teint légèrement verdâtre… Et il conclut, sûr de son fait : « le premier qui me dit que la démonstration n’est pas concluante, je le fiche à l’eau » !Témoignage. 'Deux essais avec Rigolet'Rémi Leparmentier, alors jeune équipier du canot de sauvetage de Goury, se rappelle des essais de Daniel Rigolet au large de la Hague. 'Daniel Rigolet a fait deux essais avec nous. Une première fois, on l'a emmené au large de la plage d'Ecalgrain. Il s'est mis à l'eau à 200/300 mètres de la plage et s'est laissé porter par le vent et la mer. Attaché à sa combinaison, il avait une petite toile qu'il tenait à bout de bras et s'en servait comme d'une voile pour que le vent le pousse vers la côte. Il voulait montrer que sa combinaison de survie permettait aux gens qui la portaient de conserver leurs moyens physiques, même dans l'eau froide. Ce jour-là, les conditions météo étaient assez rudes, et les vagues l'ont jeté sur la plage, au nord, à la limite des rochers. Il l'a échappé belle. Le deuxième essai, on a emmené Rigolet dans le courant du raz Blanchard. Là encore, les conditions météo étaient compliquées, et effectivement, je me rappelle d'un journaliste qui avait embarqué avec nous et qui n'était pas au meilleur de sa forme. Rigolet est resté une bonne heure à se faire trimballer dans les courants. On était à proximité, toujours un œil sur lui. Quand il est remonté à bord, il a vu que le canot avait du mal à lutter contre le Raz Blanchard. Et c'est là qu'il nous a dit que si un jour il gagnait de l'argent avec sa combinaison, il offrirait ses royalties à la station pour l'achat d'un nouveau canot. Vu le temps que ça a mis à se concrétiser, on n'y pensait plus.
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