Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur judiciaire du Figaro, nous plonge dans l'univers fascinant et souvent sombre des procès criminels. À travers son dernier ouvrage, « Service après-crime », il analyse des affaires emblématiques qui ont marqué l'histoire judiciaire française, comme celle de Michel Fourniret et de son épouse Monique Olivier, ou encore celle de Salah Abdeslam.
La chronique judiciaire est un exercice journalistique rare, dont les ingrédients – sang et larmes – pourraient indisposer toute âme normalement sensible. Pourtant, lire de grands comptes rendus de cour d’assises donne le sentiment de comprendre ce qui fonde notre humanité.
Ceux de Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur au « Figaro » depuis près de vingt-cinq ans, sont de cette trempe qui, en quelques mots bien troussés, vous décrit des personnages avec le souffle des récits ayant valeur de classiques. À feuilleter son « Service après-crime » (Editions du Rocher) – pas son premier ouvrage du genre – il y a ce plaisir quasi coupable de se replonger dans des affaires majeures : celle du tueur en série de l’est parisien Guy George, du « routard du crime » Francis Heaulme, ou encore de l’assassin pédocriminel Michel Fourniret qui, avec son épouse Monique Olivier, composa l’un des duos criminels les plus machiavéliques de ces cinquante dernières années. L’auteur décrit cette femme qui, durant leur procès en 2008 à Charleville-Mézières, veut se faire passer pour plus bête qu’elle n’est, supposément soumise au cerveau malade de son époux, quand elle a, au contraire, pris une part active à la réalisation de leurs forfaits, notamment pour piéger les jeunes filles : elle utilisa notamment son bébé comme appât, le prétendant malade, pour demander de l’aide à l’une des futures victimes, qui monta dans le véhicule… Un procès d’assises va bien au-delà des faits, souvent de sordides litanies de meurtres. C’est un grand théâtre où l’accusé peut mentir, les avocats – cliché pas si inexact – gesticuler, les présidents faiblir, les parties civiles démontrer le plus souvent leur courage et leur dignité. L’oralité des débats permet de s’affranchir des milliers de pages de dossiers et leur rendre ainsi leur épaisseur humaine. Durand-Souffland relate ces jours de tension extrême qui, parfois, font basculer l’audience jusqu’à faire surgir une vérité presque inespérée. Ainsi ce moment où Guy George, dont on lit ici combien il fut aimé par sa mère d’adoption, finit par avouer à la cour, après l’avoir longtemps narguée, avoir violé et tué des jeunes parisiennes. Car les criminels n’ont pas une seule et même personnalité. Guy George a honte de ses actes quand Michel Fourniret, l’un des plus grands pervers de l’histoire judiciaire, en jouit jusque pendant l’audience. Hubert Caouissin, qui a tué toute sa belle-famille (son beau-frère, sa belle-sœur et leurs deux enfants adolescents) car il était convaincu que cette dernière l’avait spolié d’un trésor dont nulle trace n’a été retrouvée, révélera toute l’étendue de son psychisme malade, son délire paranoïaque étant toujours à l’œuvre durant son procès. Dominique Cottrez, mère très aimante de deux grandes filles, accusée d’avoir mis à mort huit bébés peu après leur naissance clandestine, reviendra sur les accusations d’inceste qu’elle avait portées durant l’instruction à l’encontre de son père. Déni d’une réalité trop déstabilisante ou ultime remords ? Même les experts psychiatres l’ignorent. Stéphane Durand-Souffland ne verse jamais dans la fascination pour « le monstre » assis dans le box, mais insiste sur la triste banalité de ces criminels. Comme l’illustre le cas de Salah Abdeslam, unique survivant de l’équipée sauvage qui mit Paris à sang le 13 novembre 2015. Accusé forcément scruté, quand il s’avère de piètre envergure au regard de certains compagnons de box : « est un fanatique banal, le prisonnier d’un mode de pensée totalitaire qui a donné du lustre à une personnalité médiocre », écrit l’auteur. Le chroniqueur du « Figaro » a, une fois n’est pas coutume, la particularité de ne pas ménager « l’institution judiciaire », comment on l’appelle pompeusement, et de ne pas craindre d’attribuer bons et mauvais points à ses représentants, qu’ils soient président de cour ou avocat général. Il y a ces présidents qui mènent leur audience de main de maître et cet avocat général aux abonnés absents, posant des questions à côté de la plaque, comme un déserteur de sa propre accusation. C’est aussi ça la justice en marche : des humains face à d’autres humains, tentant de comprendre ce qui mène au crime. C’est aussi leurs erreurs et errements qui auront conduit par exemple à la condamnation de Patrick Dils pour le meurtre de deux petits garçons en 1986, jusqu’à sa réhabilitation en 2002 suite à une procédure de révision. Puis à la condamnation à perpétuité de Francis Heaulme pour ces deux meurtres, bien qu’il ait toujours nié les avoir commis. Le routard du crime a juste reconnu avoir vu les deux jeunes enfants morts, alors qu’il passait par là
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