L'article critique l'approche superficielle et politique des cahiers de doléances, réclamant une étude approfondie et financée par l'État. Il souligne l'importance de la collaboration entre citoyens, scientifiques et archivistes pour éclairer le débat public.
Une fois encore, le premier ministre annonce la reprise de l'étude des cahiers de doléances pour étayer les orientations de sa politique. Une fois de plus, il est à craindre que cette annonce reste sans effet. Depuis décembre 2018 et l'annonce du grand débat national, les paroles contenues dans ces cahiers sont évoquées de manière incantatoire dans le débat public, bien souvent par ceux-là mêmes qui s'empressent d'en oublier le contenu dès qu'il s'agit de les prendre en considération.
Pourtant, et contrairement à une idée tenace, les cahiers de doléances originaux n'ont jamais été enterrés : comme le rappelaient encore récemment les archivistes dans une tribune publiée sur Mediapart le 15 janvier 2025, ils sont conservés aux archives départementales. Héritières de la Révolution française, elles sont un service public de proximité qui maille encore le territoire dans chaque département et garantissent l'accès aux documents à toute personne qui souhaite les consulter. À condition, cela va de soi dans un État de droit, de respecter la vie privée et les données personnelles. L'analyse bénévole des cahiers originaux Balayons aussi cette idée reçue selon laquelle ils n'auraient jamais été étudiés. Certes, les organismes de recherche publique n'ont jamais été associés aux analyses, contrairement à la préconisation de Mme Jouanno, présidente de la Commission nationale du débat public en janvier 2019. En revanche, palliant l'absence de financement public, les conseils départementaux de Gironde, des Landes, de Haute-Vienne et récemment la région Bretagne se sont engagés à différents niveaux pour financer les transcriptions, les recherches et la diffusion. N'est-il pas paradoxal de pointer leurs dépenses quand ils comblent le déficit d'investissement dans la recherche publique ? Sans attendre les annonces ministérielles, des équipes de recherche bénévoles ont analysé les cahiers originaux aux archives. Certaines ont été lancées par des citoyens et des gilets jaunes, comme le « Collectif de recherche citoyenne » de Gironde, accompagné par Magali Della Sudda et Nicolas Patin, puis Samuel Noguera. Manon Pengam les a associés à son enquête en Creuse. Les équipes de Sabine Ploux et Catherine Dominguès à Paris ont étudié les fichiers numérisés conservés aux Archives nationales. Tandis qu'Emilia Schijman, Romain Benoit-Lévy et leurs collègues ont consulté ceux de la Somme, ou Marion Bendinelli ceux du Jura. C'est une source inédite pour réfléchir sur la démocratie et la participation politique. Elle éclaire aussi une variété des thèmes. Ainsi, dans le Finistère et dans l'Orne, Elsa Pachoud-Janody montre-t-elle la diversité des rapports à l'écologie, présente dans une partie significative des doléances. Citoyennes et citoyens sont allés aussi aux archives départementales, notamment depuis le documentaire d'Hélène Desplanques, suivant les pérégrinations du maire Fabrice Dalongeville à la recherche des doléances. Réunis à l'Assemblée nationale le 12 décembre 2024 à l'initiative de la députée Marie Pochon, ils sont désormais en cheville avec nos équipes de recherche publique. Financer l'étude des cahiers Il s'agirait donc moins de « reprendre l'étude des cahiers », comme nous l'enjoignent les premiers ministres, que de financer à la hauteur des besoins démocratiques et scientifiques l'étude de ces cahiers de doléances. Par conséquent, nous, agents du service public de la recherche et de l'enseignement supérieur, exigeons que l'État mette les moyens pour que citoyens, scientifiques et archivistes puissent travailler de concert sur les cahiers et contribuer ainsi à éclairer le débat public. Une première étape consisterait à accompagner financièrement les recherches de science participative et de science fondamentale sur les cahiers de doléances. Pour cela, le gouvernement doit s'engager à ne pas reproduire les fautes commises en 2019 et veiller à ce que les financements ne soient pas captés par des prestataires privés, qui ont été les bénéficiaires exclusifs des 2,5 millions d'euros d'analyses. Une telle somme aurait permis de financer 75 années de thèse ou cinq projets de recherche avec leur équipe pendant cinq ans. Nourrir le débat démocratique Nous demandons donc de ne pas confondre vitesse et précipitation dans l'étude et l'éventuelle publication numérique des cahiers de doléances. De cette confusion résulte l'impossibilité actuelle de consulter les fichiers numérisés sans dérogation : en faisant numériser les cahiers par les préfectures et des prestataires avant même qu'ils ne soient inventoriés, et que le tri soit fait entre les propos publics et les communications privées, l'exécutif en a rendu impossible la communication immédiate
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