Le projet de Claire Tabouret pour de nouveaux vitraux à Notre-Dame de Paris fait face à une contestation forte. Des associations de défense du patrimoine lèvent la voix contre le remplacement des vitraux historiques de Viollet-le-Duc, considérant que cela bafoue la charte de Venise et la loi de 2019.
À peine Claire Tabouret avait été sélectionnée pour réaliser de nouveaux vitraux pour Notre-Dame de Paris, le 18 décembre dernier, que la plasticienne voit déjà son grand œuvre contrarié. Ni son travail ni son talent ne sont toutefois en cause, c'est le principe même du projet qui est contesté.
Depuis l'annonce par Emmanuel Macron, en décembre 2023, du remplacement de six vitraux de Viollet-le-Duc dans le bas-côté sud de la nef de la cathédrale, les défenseurs du patrimoine dénoncent « un fait du prince ». Ces derniers refusent de voir les baies historiques, demeurées intactes lors de l'incendie de 2019, être déposées. Ils se veulent fidèles à la charte de Venise, adoptée par la France en 1965, qui recommande de ne pas détruire un décor classé monument historique pour le substituer par un élément contemporain. La très officielle Commission nationale de l'Architecture et du patrimoine (CNPA) a d'ailleurs voté à l'unanimité en faveur de cette position. Le chef de l'Etat était passé outre cette décision en maintenant le concours artistique auquel ont participé plusieurs grands plasticiens français. Un processus de plusieurs mois à l'issue duquel le projet de Claire Tabouret a donc été retenu, juste avant les fêtes de fin d'année. Sans parvenir, néanmoins, à faire taire les contestataires, bien au contraire. « Nous contestons la compétence de l'établissement public » Aussitôt la lauréate connue, l'association Sites & Monuments avait promis d'attaquer en justice dès l'affichage de la décision préfectorale de dépôt des vitraux de Viollet-le-Duc. Mais elle craignait chaque jour un peu plus que cette décision survienne très tard, à l'achèvement des nouveaux vitraux prévu à la fin de 2026. Une manière pour l'exécutif de mettre le juge devant le fait accompli d'une œuvre estimée à plus de 3 millions d'euros. En attendant d'attaquer sur le fond, l'association a donc décidé de s'en prendre immédiatement à la forme, en l'occurrence l'établissement public Rebâtir Notre-Dame de Paris qui gère les travaux depuis l'incendie. Elle vient ainsi de déposer un recours devant le tribunal administratif de Paris, par l'entremise de son président Julien Lacaze, contacté par « le Nouvel Obs » : « La loi du 29 juillet 2019 prévoit que l'établissement public est exclusivement chargé de la conservation et de la restauration de Notre-Dame, nullement de la commande de vitraux contemporains et encore moins du dépôt de vitraux anciens. Nous contestons donc la compétence de l'établissement public. J'ai discuté avec des parlementaires à l'origine de la loi et, pour eux, il est également très clair que celle-ci est bafouée. » « Il y a un vice évident à utiliser l'argent des donateurs » Ce n’est, en outre, pas l’unique angle d’attaque. Dans son recours, l’association pointe aussi du doigt le financement de « l’activité administrative » de l’établissement public pour réaliser cette commande. Si les vitraux seront financés par un fonds public dédié à l’art contemporain, l’instruction du dossier est à la charge de l’établissement public, financé entièrement par des dons. Un donateur s’est d’ailleurs joint à l’action en justice, en la personne de Jean-David Jumeau-Lafond, par ailleurs historien de l’art, spécialiste du XIXe siècle, qui s’en explique également au « Nouvel Obs » : « Le monument a atteint son équilibre patrimonial avec Viollet-le-Duc, il n’y a aucune raison de le modifier. La flèche a été reconstruite à l’identique. De la même manière, il ne faut pas remplacer des vitraux non endommagés. Nous avons donné de l’argent pour conserver et restaurer Notre-Dame, c’est très exactement et exclusivement l’objet de l’établissement public. Il y a un vice évident à utiliser l’argent des donateurs pour autre chose. Il paraît incroyable qu’une institution publique puisse prendre des décisions qu’un juge ne manquera pas de déclarer illégales, comme j’en suis certain. » Du côté de Rebâtir Notre-Dame, on affirme « ne pas encore avoir reçu d’assignation » mais on se veut serein. Au mois de décembre, lors de la présentation du projet de Claire Tabouret, le président de l’établissement public, Philippe Jost, affichait déjà son optimisme devant la menace de recours : « Nous sommes certains d’agir dans la légalité. Avec le ministère de la Culture qui porte ce projet, nous sommes confiants dans la possibilité d’apporter à la cathédrale cette création d’aujourd’hui. » Ce sera donc au juge administratif de trancher entre ces deux certitudes. Entre ses mains, également : la trace qu’Emmanuel Macron rêve de laisser dans la restauration de Notre-Dame
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