Un récit personnel et humoristique sur l'influence de la culture populaire, le passage du temps et les leçons apprises de la vie, à travers le prisme du rasage.
Je haïssais le rasage. Pourtant, à la fin de l’adolescence, j’avais hâte qu’une pilosité cohérente couvre mon visage. Bien sûr, ce n’était pas le rasage qui me séduisait mais la barbe de trois jours. Dans la seconde moitié des années 1980, j’avais vu un film qui a eu un impact énorme sur moi : Highlander . Les combats à l’épée dignes de films costumés s’immisçaient dans l’univers de la science-fiction.
Lutter tel un chevalier pour la mortalité et l’amour véritable entre les décors de New York devenait soudainement la chose la plus cool. Nous nous contentions naturellement de notre imagination et des rues moins photogéniques de Satu Mare. Et le plus important : Connor MacLeod, le Highlander écossais, était mal rasé dans les scènes contemporaines. Il apparaissait clairement que le seul véritable homme ne pouvait être que mal rasé. Ainsi, je regardais avec un certain mépris mon père qui démartait une journée sur deux par le rasage, car tout le monde attend qu’un dentiste soit soigné et qu’il ait un visage lisse. Mais pour moi – par rapport au gars écossais –, le résultat était passable, infiniment petit-bourgeois. Autrement dit, profondément décevant. Le problème, c’est que les poils ne poussaient qu’en taches orphelines sur mon menton et mes tempes. Impossible de faire quoi que ce soit avec ça. Seule la partie sous mon nez me satisfaisait. Mais, dans le miroir, ma moustache sur un visage lisse me renvoyait plutôt l’image d’un Attila József angoissé. Alors que moi, je voulais ferrailler à l’épée en trench-coat dans les nuits de Satu Mare, et pas me tracasser avec des rimes. Autre aveu de défaite : le moment où mon père m’a initié aux secrets du rasage. Mon grand-père affûtait encore son rasoir sur une lanière de cuir. L’outil aiguisé brillait d’une manière menaçante devant son visage. Mon père utilisait déjà un outil plus moderne. Il fallait insérer délicatement la lame Gilette dans une tête élégante en métal, ce qui nécessitait aussi une certaine dextérité. J’aurais pu me servir du rasoir de mon grand-père en signe de rébellion, mais papi semblait encore plus embarrassant du point de vue du projet Highlander. Pas une réunion de famille ne passait sans qu’il balance sa plaisanterie qui, de mon point de vue, sortait tout droit du XIXe siècle. Comme toutes les modes, celle de la barbe de trois jours s’est dissipée. Mais la rigueur de mon père en matière de rasage persistait, et il me l’a transmise après un certain temps. Même si j’avais quitté la maison et commencé ma propre vie indépendante, cette attente emballée dans une demande – voire un oukase, à l’époque – demeurait. Mon père faisait toujours des remarques si j’arrivais en Highlander, surtout lors des fêtes. Cependant, les rasoirs jetables à trois lames étaient très déjà répandus et transformaient l’opération en jeu d’enfant. Plus besoin de préparer le rasoir pendant si longtemps ni d’assouplir longuement la peau du visage avec de l’eau chaude pour que la lame prenne le poil plus facilement, mais tout cela me paraissait complètement inutile. Si je ne peux pas être le maître du monde, alors pourquoi m’embêter ? Néanmoins, je dois convenir avec lui, sans le dire, que peu de femmes (pour qui tout débutait à l’époque) aiment les poils durs. L’une d’elles a même apporté une brosse à vêtements bien épaisse dans la chambre et me l’a mise devant ma bouche pour que je ressente la sensation d’embrasser un type peu soigné comme moi. L’amour régla ce dont mon père n’avait pas été capable : je me rasais comme un petit ange pendant la période du rut. Mais quand n’y a-t-il pas ce genre de période dans la vie d’un jeune homme prometteur, du moins sur le papier, âgé d’une vingtaine d’années ? Évidemment, dans la sécurité de la maison de ses parents… Au fil du temps, la barbe servait de baromètre de certaines de mes relations amoureuses. Quand la chaleur s’estompait, que la passion s’évaporait et que l’espoir s’évanouissait, les poils poussaient sans relâche. De nouvelles nuances se sont ajoutées avec le mariage. Après les engueulades avec ma compagne, les poils s’allongent deux fois plus vite. Dans ces moments-là, je ne suis plus MacLeod mais le paria Tom Hanks : des poils en bataille sur une île déserte. La moustache commence à pousser sur Duska, prémices d’une ère dont il ne sait encore rien. Jour après jour, le moment se rapproche où nous serons tous les deux devant le miroir et où je lui montrerai sur moi la chorégraphie du rasage sécurisé et rapide. Je délivrerai probablement quelques conseils sur la connexion entre un visage soigné et des rencards plus fréquents. Highlander, qui n’a pas été verni, se retire sombrement dans l’intemporalité de mes rêves d’autrefois. Mais cette défaite finale sera aussi une victoire : les principes de mon père et mes expériences enfanteront un héros anonyme. Duska n’a pas besoin que la moitié du monde se pâme devant lui. Une ou deux filles super feront l’affair
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