A 91 ans, Costa Gavras continue de tourner des films qui reflètent son époque. Son 21e long métrage, « La fin de vie », explore avec sensibilité et profondeur le sujet délicat de la fin de vie. Le réalisateur français s'est penché sur le quotidien des soins palliatifs, les liens familiaux et les dilemmes éthiques liés à la fin de vie.
Dans son salon parisien, il y a une grande bibliothèque et quelques photos. Le pas alerte, l'esprit vif, Costa Gavras ne fait pas ses 91 ans. Le cinéma fait toujours partie de sa vie. « C'est un miroir de notre époque. Il permet de raconter des histoires, de poser des questions, de provoquer des débats », dit-il.
Son vingtième et un film, adapté du livre éponyme du Dr Claude Grange et de Régis Debray, évoque, dans l'unité de soins palliatifs d'un hôpital, le travail quotidien, délicat des médecins et des soignants qui accompagnent les patients en fin de vie et qu'aucun traitement ne peut guérir. Au fil d'un dialogue ouvert et passionnant entre un médecin des soins palliatifs joué par Kad Merad et un écrivain incarné par Denis Podalydès, en visite dans l'hôpital, il fait partager le « cheminement intérieur qui conduit à la mort » à travers le quotidien de l'hôpital et l'illustre par des scènes intenses, portées par des personnages qui rayonnent dès leur apparition : Charlotte Rampling, déterminée à en finir, Angela Molina, brûlante de vie, Karin Viard, lumineuse cancérologue. « Ce n'est pas un chant du cygne, s'empresse d'avouer Costa Gavras, mais une nécessité. J'avais envie de faire ce film qui m'a fait réfléchir à ma propre vie et à la mort qui m'est familière. » Après avoir lu le livre du Dr Claude Grange et de Régis Debray, qu'avez-vous retenu de vos rencontres avec eux ? D'abord, j'ai découvert la qualité des soins palliatifs, un domaine que je connaissais vaguement. Ensuite, j'ai appris des choses sur moi-même et, d'une manière générale, qu'il faut se préparer pour ces moments de fin de vie. C'est un sujet délicat, mais il faut être prêt, sur le plan personnel et familial, et ne pas se dire : « Voilà, je vais vivre éternellement. » Il suffit d'écouter « La chanson des escargots qui vont à l'enterrement d'une feuille morte ». Quand ils arrivent, il n'y en a plus, le printemps est arrivé. Dans ce poème qui paraît tout petit, léger, pour les enfants, eh bien Jacques Prévert dit tout sur ce moment-là de la vie. Votre film explore les liens entre les familles et leurs proches et le patient en fin de vie. Un aspect primordial dans le processus ? Les familles jouent un rôle central. Parfois, elles ont du mal à laisser partir un proche. C'est un processus émotionnel complexe, mais il faut comprendre que l'obstination peut parfois prolonger inutilement la souffrance. Dans mon film, tous les personnages se préparent à une fin qui est inévitable, mais à laquelle ils essayent d'échapper. Et qu'est-ce qui les relie, justement ? Les familles et les proches. Oui, c'est un dilemme constant pour eux. Ils veulent soulager la douleur, mais ne veulent pas non plus franchir certaines limites éthiques. Cela nécessite un équilibre délicat et une réflexion collégiale. Leur rôle consiste à donner au patient le meilleur confort possible et de l'accompagner jusqu'à la fin. Comme le dit Kad Merad dans le film : « La fin de vie, c'est encore la vie. » Oui, j'ai travaillé avec des vrais professionnels au milieu des personnages pour rendre le film authentique. Ils ne sont pas comme les autres, ils ont une approche humaine extraordinaire. Le débat sur la fin de vie, le suicide assisté et l'euthanasie est en cours. Qu'en pensez-vous personnellement ? La loi Leonetti est un pas en avant et permet aux médecins de juger en tout état de conscience, mais elle reste insuffisante. Il faut sans doute plusieurs lois, parce qu'une seule ne suffit pas à régler tous les problèmes. J'ai écouté les débats à l'Assemblée nationale et le discours du président Macron avec les représentants de toutes les confessions de France. Là aussi, les propositions vont plus loin que la loi actuelle. Le sujet est complexe car il touche des convictions personnelles, éthiques et médicales. J'ai un frère qui est docteur, et il dit, comme je le montre dans le film : « Nous ne sommes pas là pour faire mourir les gens. » D'autres disent aussi : « Faire mourir, c'est une façon d'aider. » Pour ma part, je pense qu'il faut surtout développer les soins palliatifs comme l'unité de Claude Grange dans les Yvelines, qui a provisoirement fermé, malheureusement, faute de moyens et de personnel. 50 % des besoins en soins palliatifs ne sont pas couverts en France. Socrate, bien sûr. Son acceptation de la mort est inspirante. Il a refusé de fuir lorsqu'il a été condamné, disant que c'était son moment de partir. C'est vrai que dans l'Antiquité, les philosophes ont beaucoup parlé de la mort, et de toutes les différentes manières. J'ai suivi dans les années 1970 les conférences de Vladimir Jankélévitch et j'ai lu le livre d'Edgar Morin, qui m'a renvoyé à Héraclide d'Ephèse – 500 av. J.-C. – et à sa phrase singulière : « Vivre sa mort et mourir sa vie. » J'en ai conclu qu'il faut regarder sa propre mort en face. Ce n'est pas un chant du cygne ni un adieu au cinéma, mais une nécessité
CINEMA SOCIETE FIN DE VIE SOINS PALLIATIFS ETHIQUE
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